La jeune fille qui se trouvait trop ronde - Les... par ANAISVAC
Et depuis que je l'ai vu cette vidéo, je me sens mal. Mal parce qu'elle n'a fait que raviver des souvenirs enfouis au plus profond de moi, ceux que j'évite d'évoquer, ceux que je croyais avoir oublié.
Mais non, ils sont là, ancrés au plus profond de ma chair et de ma cellulite. Parce que l'obésité est un mal-être. Qu'on apprenne à vivre avec, à s'accepter tel qu'on est même si les autres n'y arrivent pas forcément, même si on sourit tous les jours, ça n'a pas forcément été le cas et nous ne sommes jamais à l'abri d'un coup de blues...
J'ai pu mettre des mots sur mes maux récemment. Comprendre que j'avais été victime de boulimie non vomitive. C'est vicieux, parce que c'est le genre de trucs que tu fais en cachette des autres, que tu ne t'avoues évidemment pas parce que tu n'es plus la même dans ces moments là, stressée et irritable, "en manque", tu te jettes sur les pires aliments que tu vas trouver. Mais en fait tu as déjà ton stock de mort en gras planqué chez toi, en cas de crise justement (ton inconscient SAIT que tu en auras besoin). Fromages, junk food et autres aliments ultra graisseux et caloriques, c'est là que tu trouveras ton salut.
Au moins le temps de ta crise. Elle aura duré 10, 20 minutes. Loin des regards de tes parents, loin de celui de ton homme ou de tes frères et soeurs, car tu t'es isolée.
Surement dans la salle de bain. Et comme toi aussi tu as honte de toi, tu le fais dos au miroir. Mais tu ne te fais pas vomir non, tu gardes tout. Comme ces larmes quand les autres se moquent, tu les gardes aussi, pour ne pas montrer ta faiblesse.
Personne n'en saura rien, ton secret est bien caché. Tu te dis parfois que ça serait simple de pouvoir découper ton gras comme on coupe un steak, comme cette petite fille sur la vidéo.
Nous y avons presque toutes pensé.
Mais ce n'est pas possible. Trop douloureux, trop salissant....
Ta vie se poursuit, les crises s'enchaînent. Tu es jeune, tu as 16 ou 17 ans, tu as la vie devant toi... Mais la vie que tu vois te parait sombre, bien triste car dénuée d'amour, étant donné que tu as l'impression que personne ne s’intéresse à toi. C'est l'âge où tu devrais découvrir la vie, sortir avec tes amis, ne pas te soucier de demain.
Mais c'est aussi cette dure période qu'on appelle "adolescence" ... le mot est doux pour cette étape souvent dure à passer. Tu es en rupture avec tes parents, tu subis quotidiennement les railleries des garçons et les commentaires désobligeants des filles de ton lycée, tu te planques derrière un baggy et un t-shirt 3XL en te disant qu'on ne te verra pas.
Mais les moqueries sont toujours là...
Et, dans un jour de faiblesse extrême, j'ai craqué. J'ai voulu en finir. Je me souviens de la lumière bleutée de l'ambulance, le trajet m'a paru si long... je me souviens du litre de charbon liquide que j'ai dû avaler pour expulser de mon corps les médicaments que j'avais pris. Je me souviens de ces quelques jours où l'hôpital a voulu me garder. Je me souviens de mes parents, qui n'arrivaient pas à comprendre. Pourquoi? C'était "juste" un appel au secours.
Parce que l'obésité, le surpoids, fait rire. Ce n'est pas de la discrimination que de montrer les gros du doigt, non non, c'est de l'humour vous dira-t-on. Le problème c'est que c'est souvent gras et indigeste, de "l'hum(l)ourd" quoi, mais ça les gens sont souvent bien trop limités pour le comprendre. Parce que quand vous avez 16 ou 17 ans, que vous passez toujours pour l'obèse de service alors que vous ne faites "que" 75 kilos, vous ne pouvez pas vous sentir "bien" comme ça, et cet entourage mal composé est là pour vous le rappeler.
Parce que porter son poids, et porter en plus la connerie humaine sans jamais broncher, c'est parfois bien trop lourd.
Je ne demande pas qu'on mette des grosses partout dans les médias, je ne demande que chaque boutique monte ses tailles de fabrication.
Non, ce que je demande maintenant c'est le respect des médias, qui forgent jour après jour l'image qu'auront nos enfants sur les gros. Parce pour les autres ça me parait trop tard et qu'il y a un moment où ce n'est plus possible de continuer à se moquer ouvertement des gens, de nous passer sur la TNT des grosses dénudées et plus vulgaires que glamours, ou des grosses désespérées. Que des sites qui ont pour but de relayer des informations recherchées et intéressantes (en théorie) ne s'abaissent PLUS JAMAIS à participer à une telle mascarade. On ne le répétera jamais assez, mais avant d'être des grosses nous sommes des femmes, et ne serait-ce qu'à ce titre nous méritons du respect et certainement pas des commentaires sur notre physique de la part de journalistes qui le sont autant que moi finalement.
Voilà, sans l'article ordurier d'hier je ne serais sans doute jamais tombée sur cette vidéo. Car même moi, en tant que grosse qui s'assume et qui suis aujourd'hui bien dans sa peau, j'ai été réellement choquée et perturbée par ces propos et j'ai du mal à m'en remettre.